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■ Voir son épouse pleurer
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2011-05-19 | | Le thème du concours du mois d’avril m’a semblé extrêmement difficile. La charrue représente un outil archaïque qui se perd dans la nuit des temps. Elle est devenue objet de musée mais, paradoxalement, on voit encore des paysans l’utiliser de nos jours. Comment introduire ce mot dans un texte de 17 syllabes seulement, réussir à obtenir un tableau véridique et l’utiliser en tant que kigo de printemps ? Sans trop d’enthousiasme, j’ai commencé à concevoir les premiers poèmes. Au début, je suis tombée moi aussi, comme il était normal, dans le piège de cette « charrue rouillée » qui forme déjà un vers. Voilà la première variante : chant de merle – grand-père fait luire la charrue rouillée J’ai pensé que ce « chant de merle » est un signal pour le laboureur, ici le grand-père, qui possède encore des forces pour entretenir son lopin de terre. La première chose qu’il doit faire, c'est de préparer son outil de travail, la charrue, rouillée pour n’avoir pas été utilisée depuis une année . J’ai pensé ensuite aux mains durcies, les mains laborieuses du laboureur et j’ai écrit un autre poème : champ non cultivé– les mains du laboureur reposant sur sa poitrine Je voulais souligner l’idée qu’après une vie de dur labeur, le laboureur avait trouvé dans la mort un repos bien mérité. J’insistais ici sur les mains du laboureur. Suivant toujours cette idée des mains laborieuses, j’ai également écrit cette variante : champ desséché – les mains du laboureur profondément sillonnées Puis, j’ai insisté sur l’effort dépensé par le laboureur : champ desséché – sur le front du laboureur ruisselle la sueur J’avais à présent quelques poèmes mais il y avait encore suffisamment de temps, j’ai donc fait  une pause. L’idée de la coccinelle, cet insecte si délicat m’est venue ensuite. Sur la main calleuse du laboureur elle créait une image réussie. main de laboureur- parmi les sillons profonds une coccinelle repos du midi – sur la main du laboureur une coccinelle En réfléchissant davantage, je me suis rendu compte qu’il y avait ici deux kigos de printemps : la coccinelle et le laboureur. Cela n’allait pas très bien et je me suis mis à écrire d’autres poèmes. La phase suivante a été celle des alouettes. L’alouette est un oiseau lié à la terre tout comme le laboureur mais elle lance son chant vers le soleil : soleil levant – dans les yeux du laboureur vol d’alouettes alouettes envolées – les prières du laboureur s’élevant vers le soleil Ces poèmes avaient eux-aussi deux kigos de printemps. J’ai donc continué  mes recherches. Après les alouettes j’ai encore écrit quelques poèmes mais tous avaient quelque chose qui ne me satisfaisaient pas : soit ils ne disaient pas grand’chose soit ils reprenaient des lieux communs. le champ labouré – la chemise du paysan séchée par le vent midi en plein champ – l’ombre du laboureur se cache sous la terre L’idée de l’ombre qui se cache sous la terre n’était pas mauvaise mais je me demandais si tout le monde savait qu’à midi l’ombre disparaît, ou qu’elle est très petite. J’avais appris tout cela au sujet d’un haïku plus ancien que j'avais écrit : midi en plein champ - au loin un cheval broutant son ombre On m’avait expliqué qu’à midi l’ombre se retire, la lumière tombe perpendiculairement, et que par conséquent, il n’y a plus d’ombre. J’ai conçu ensuite quelques poèmes dont j’étais plutôt satisfaite dans la mesure où ils apportaient des idées nouvelles. champ derrière la colline – le laboureur et le soleil s'élèvent ensemble le laboureur sur le champ – des sillons monte l’odeur du pain J’avais à présent quelques bons poèmes et je pouvais en choisir un pour le concours. Mais tout en relisant ce que j’avais écrit en vue de faire une sélection, je suis retombée sur les poèmes des alouettes et j’en ai écrit encore un : alouettes envolées – une charrue sépare au loin le ciel de la terre L’idée du ciel séparé de la terre par une charrue m’a semblée intéressante et même originale. J’ai commencé à chercher de nouvelles variantes et à rendre ce poème meilleur. rien que terre et ciel – une charrue au loin signe d’horizon rien que ciel et terre – une charrue au loin se perd dans le soleil rien que ciel et terre – une charrue se dirigeant vers le soleil levant J’ai changé plusieurs fois l’ordre des mots pour obtenir une meilleure sonorité. Je m’approchais enfin du bout du chemin. La dernière trouvaille a été celle de la charrue qui marque la frontière Mon poème avait deux plans bien distincts, une ample image avec une large ouverture vers l’horizon. Finalement, je me suis arrêtée sur deux poèmes que je considérais dignes du concours : rien que ciel et terre – une charrue au loin marquant la frontière le laboureur sur le champ – des sillons brûlants odeur de pain chaud Après une longue réflexion, j’ai choisi le premier haïku. J’aimais ici la vaste perspective du ciel et de la terre réunis seulement par un simple outil archaïque qui reliait le passé au présent, le sacré au profane. Je pense avoir fait le bon choix. rien que ciel et terre – au loin une charrue marque la frontière ROMANIAN HAIKU, avril 2011 Concours mensuel 3ème place |
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